Bienvenue dans le Libournais, à 40km de l’Est de Bordeaux. Des vignes à perte de vue, la vallée des mille châteaux et soudain un petit panneau de bois blanc annonce la destination. Au bout d’une grande allée de cèdres, Pierre Lurton, le directeur de Château Cheval Blanc nous attend.

Château Cheval Blanc est connu dans le monde entier comme un vin d’exception. Depuis 1832, ce Saint-Émilion aux allures de Pomerol, à l’encépagement atypique et aux 53 parcelles, trace sa route. Dans ce premier épisode on découvre les lieux, l’histoire et la géographie de Cheval Blanc et on rencontre les femmes et les hommes qui travaillent chaque jour sur ce terroir mythique.

Quarante-cinq parcelles pour un patrimoine unique, une mosaïque vivante : ici cohabitent trois grands types de sol formant une véritable mosaïque, tantôt à texture fine et argileuse, tantôt à texture plus grossière et graveleuse. Un terroir singulier, composé essentiellement d’argiles et de graves grossières sur certaines parcelles, plus fines et sableuses sur d’autres.

Depuis 3 semaines, les raisins sont rentrés. Les cuves sont en cours de fermentation alcoolique au sein des 6 000 m2 du magnifique Chai désigné par Christian de Portzampac. C’est l’heure de la vinification. Chacune des imposantes cuves en béton accueille la vendange d’une parcelle

Peau, pépin, jus, pulpe, c’est la masse entière de la vendange que l’on retrouve dans la cuve et qui deviendra bientôt, au fil des remontages successifs et de l’action conjointe de la fermentation et de la macération, vin.

Chaque jour, dans la salle de dégustation qui surplombe le Chai, on goûte, on discute, on compare, on teste. 50 parcelles, 50 bouteilles sur la table, c’est autant de versions différentes du domaine qu’il va s’agir d’assembler pour révéler la meilleure version possible de Cheval Blanc. Fruits rouges, violette, pétales de rose, la promesse de fraîcheur et d’élégance d’un autre Cheval est déjà là…

L’automne a laissé peu à peu sa place à l’hiver. L’équipe technique au fil des étapes de vinification et d’assemblage commence à entrevoir ce que sera le Château Cheval Blanc 2020. Il est temps de faire entrer le millésime dans la phase lente de dormance appelée « élevage ». Le 4ème épisode d’Un Autre Cheval vous emmène de la tonnellerie Darnajou, où est fabriquée de façon artisanale une partie des barriques du Château, jusqu’au sous-sol du Chai où l’entonnage marque le début du long voyage du vin jusqu’à sa mise en bouteille.

Au creux de l’hiver, alors que les plantes sont en repos végétatif et que les vins dorment tranquillement au Chai, c’est le moment du travail du sol à Château Cheval Blanc. Ce matin-là, on assiste à une livraison un peu particulière : des centaines d’arbres fruitiers et forestiers sont déchargés du camion. Juliette Combe, assistante viticole organise le déroulé des opérations. Pommiers, pruniers, poiriers, pêchers, muriers, ormes, charmes, érables, … vont venir prendre place aux abords et au sein même des parcelles de vignes. Au total, ce sont plus de 2 000 arbres qui seront plantés sur l’ensemble du domaine. 16 hectares de joalles alors que les le vignoble français en compte aujourd’hui une centaine.

Un Autre Cheval c’est aussi l’évolution des modes de culture et l’adaptation au dérèglement climatique à travers la mise en place d’un vaste projet agroécologique qui change petit à petit la physionomie du domaine. Agroforesterie mais aussi arrêt du labour et mise en place de couverts végétaux, polyculture et élevage pour renouer avec l’histoire et les racines de Cheval Blanc et s’attacher à cultiver et transmettre un sol vivant.

Ce matin, le soleil d’hiver se lève sur les vignes encore nues. Vigneronnes et vignerons sont déjà dispersés aux quatre coins du domaine. Depuis les dernières vendanges, les vignes sont taillées régulièrement avant le débourrement printanier. Dans les parcelles, on tire les bois, on taille et chaque coup de sécateur, d’une main experte, contient la promesse du développement des grappes à venir. À Château Cheval Blanc on a choisi le principe de taille en « Guyot mixte ». Chaque année les vignerons retrouvent « leurs » parcelles et interprètent cet art de la taille à leur façon, avec leur sensibilité et forts de leur expérience passée.

Le travail de la vigne, c’est aussi la sélection massale et l’évolution des modes de greffe. Château Cheval Blanc a fait le choix de cultiver ses propres sélections et de l’observer sur le terroir au sein duquel il sera réinstallé : on plante aujourd’hui la selection massale de 1992 et on prépare celle de 2030. Un patrimoine vivant qu’il s’agit de préparer, de protéger et surtout de transmettre aux générations futures.

Il y a eu 1956, 1961,1991 puis 2017, 2019 et 2021. Des épisodes de gel et d’angoisse pour les vignerons qui voient les températures baisser et avec elles le risque de perdre tout ou partie de leur récolte.

On le sait depuis, 2021 sera une année noire pour la viticulture. Les spécialistes estiment une perte de 20 à 40 % de la récolte à l’échelle nationale. 15 à 20 millions d’hectolitres. Perdus.

S’équiper de bougies ou d’éoliennes coûte cher, et seule une petite partie des propriétés peuvent y recourir. Cela ne fait pas tout, elles permettent de gagner quelque degré sur le froid, et c’est le choix qu’à fait Cheval Blanc après 2017. Cette année là les équipes du domaine ont vécu un printemps particulièrement difficile dont ils se souviennent…

Gel mais aussi sécheresse, pluie intense, grêle, … c’est en ces termes que l’équipe Château Cheval Blanc se souvient de chaque millésime. Le climat évolue, les hommes s’adaptent pour mettre en bouteille, chaque année, Un Autre Cheval.

C’est la fin du voyage. Le vin est mis en bouteille et bientôt rejoindra les caves des amateurs dans le monde entier.

Quelques années plus tard, quelques décennies plus tard, que deviendra cette étrange alchimie, une fois dans les verres ?

Dans ce dernier épisode d’Un Autre Cheval, Estelle Touzet, cheffe sommelière et Pierre Lurton, directeur du domaine Cheval Blanc dégustent, dans la discrétion du caveau de Château Cheval Blanc, les millésimes mythiques qui ont marqué la vie du domaine. Tabac blond, pain d’épice, violette, cerise, profondeur, humilité … mettre des mots sur les jus mythiques et accompagner la dégustation des jus c’est tout l’art du sommelier, passeur d’histoires et de terroir entre le vigneron et le client final. Avant d’atteindre la cave des restaurants ou des particuliers, ce sont les ventes en Primeurs qui marquent le premier jour du reste de la vie des vins, entre les mains des négociants bordelais qui vont vendre à des clients français et internationaux.

Un Autre Cheval peut commencer.